La dernière Fable

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La dernière Fable

Un grand Fabuliste de son temps,
Aimant à se le dire uniquement par la taille,
Se promenait quotidiennement dans la broussaille
Avec son scribe l’accompagnant,
Ce copiste notant durant leurs pérégrinations
Du génie chaque pensée et inspiration
Quand un jour, brisant son voeu de silence,
Et pour cela fi qu’on le tance,
Protesta sur l’intitulé qu’il venait de retranscrire :
« La dernière Fable ?! Qu’est-ce à dire ? »
Ronds de fumée, aux paroles du Barde
Lui répondant, s’échappèrent du Poète et de sa bouffarde :
« Repos sont pour les chairs
Quand elles rejoignent le bûcher funéraire
Mais point pour la défunte âme
Si on en fait un drame !
»
L’esquive fut grossière
Et le jeune émule ne s’y laissa pas faire :
« Que vous vaut, par cette épitaphe, aveu
Qu’elle en soit de votre Fablier l’ultime leçon
En noyant la raison comme du Poisson
Et le concluant d’une même queue ? »
Le Maître apologue applaudit là la belle métaphore :
« Me pensant assez fort,
De mille feuillets j’avais pour projet
Mais, et je m’en amuse,
Virevoltantes sont les Muses,
La mienne, sans doute à trop te côtoyer,
Déjà te préférant.
M’ôtant mon talent, excuse s’il en est du fainéant,
Au moins j’en aurais avant ainsi parachevé l’oeuvre ! »
Sidéré par la manoeuvre
L’élève porte pour faux d’abréger cette vérité sommaire :

« À élaborer table sans sa matière,
On ne peut d’Or en faire Loi
»

Son mentor rit alors une nouvelle fois
Et en moraliste
Conforta son compagnon un peu triste :
« Il n’est pas en notre Art de sens
A le mettre en ordre
Trouvant sa raison d’être dans le désordre
De ceux qu’il moque en ridicule
Et qui en grand nombre pullule…
… Nos pairs en étaient convaincus
Et c’est à toi, et autres Conteurs,
Qu’il en revient d’en poursuivre la teneur
Pour que longtemps encore il soit ainsi entretenu ! »

Auteur : Val


Barde : Antique orateur et conteur Celte.
Bouffarde : Mot désignant une pipe pour fumer.
Emule : Elève ou opposant qui tend à égaler son maître et à le dépasser.
Fontaine : La Majuscule est un fait exprès…
Muses : Dans la Mythologie Grecque ce sont neuf filles ayant pour père Zeus et qui symbolisent et incarnent des états poétiques. On parle de Muses pour en appeler à l’inspiration créatrice, notamment musicale ou littéraire.
Pérégrinations : Voyages ou promenades répétés et habituels.
Références : Les « Tables de la Loi » ou les « Tables (ou Tablettes) d’Or » sont, respectivement dans la Genèse et dans le monde Germano-Scandinave, les premiers textes sacrés et originels de la création dans leur mythe.

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(tiré de l'ouvrage édité : Le Fablier de Val)

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