La Route de l'Ambre

La Route de l'Ambre

Au sujet de l'Ambre, par Tacite - Extrait du Germania :

« On pourrait d'ailleurs concevoir que c'est une résine des arbres, parce qu'on y voit la plupart du temps briller au dedans certains insectes rampants et aussi ailés. Enrobés de matière liquide, ils y restent enfermés quand elle durcit.
Or on sait qu'en Orient des régions retirées portent des forêts et des bois assez fertiles où les arbres exsudent de l'encens et des baumes. De même, je croirais bien que les îles et les terres du Couchant produisent des substances qui apparaissent et se liquéfient sous l'action des rayons du soleil avoisinant. Elles s'abîment dans la mer toute proche pour échouer par la force des tempêtes sur les rivages opposés. Si on teste sa nature en l'approchant d'une flamme, l'ambre prend feu comme une torche et nourrit une flamme grasse et odorante. Ensuite il devient visqueux comme la poix ou la résine.
»

L’Ambre, connu de tous, joua d’une haute importance pour les Germains comme amulettes ou talismans mais aussi comme marchandise.
Résine naturelle, cette gemme fossile se trouve en grande quantité autour de la mer Baltique. Rare, d’une grande beauté, il eut une grande valeur voilà deux mille ans pour les peuples l’exploitant et en a encore de nos jours. On le connaît communément sous son aspect translucide jaune ou doré mais il en existe de toutes les couleurs, surtout vert, blanc et même noir. L’Ambre est parfois opaque, toujours différent d’une pièce à une autre et, s’il n’est pas épuré, on y trouve des petits insectes et débris divers pris dans sa matière ! Sa plus grande propriété est d’attirer les charges ionisées et par frottement de s’en électriser même. D’ailleurs les Grecs l’appelèrent Elektron et Thalès en démontra les vertus magnétiques.

Mais pour les Germains il fut plus précieux encore que l’Or !
En effet, spirituellement, ceux-ci le liait à Freyja1 qui selon la légende pleurait des larmes d’ambre en attendant le retour de son époux mystérieusement disparu. À ce titre on l’appelait également l’Or rouge. Mais au-delà de l’aspect magique et philosophique, il était également à la base du troc et du commerce avec les autres peuples.

« Ils fouillent la mer et, seuls parmi tous, ils recueillent sur les gués et le rivage même, l'ambre qu'ils appellent Glesum. En bons Barbares, ils ne se sont pas posé de questions et ne savent rien de sa nature ni pour quelle raison il se forme.
Mieux encore, cet ambre restait parmi les rejets de la mer jusqu'au jour où notre goût du luxe lui a donné un nom. Eux-mêmes n'en tirent aucun usage : ils le recueillent brut, le livrent tel quel et s'étonnent du prix qu'ils en reçoivent. »

Ainsi Tacite sous-entend, bien qu'avec un certain dédain, l’existence d’une route marchande telle la fameuse route de la soie. L’historien, également selon les sources de Pline l'Ancien, situe cette fameuse route entre les peuples Danubiens de Pannonie et ceux vivant le long de la Vistule, pour alors s’achever jusqu'aux rives de la Baltique… Tacite cite même le peuple Germain des Estes qui le récoltait, le nommant Glesum, et qui le marchandait le long de ses nombreuses sentes.

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(Carte grossière et approximative de la Route de l'Ambre basée sur de rares sources historiques)


En pourpre : La Route de l'Ambre
En rouge : Les Routes commerciales fluviales et internes probables de la Route de l'Ambre
En bleu : Les Routes maritimes, externes ou prolongées du troc de la Route de l'Ambre

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Ainsi communément désignée Route de l’Ambre, il est possible que les Germains la nommèrent eux « Route du Glesum », les Romains « Route du Succin » et les Grecs « Route de l’Elektron ». Elle délimite également les contours du royaume de Germanie démontrant les échanges entre les Celtes, les Romains, les Slaves, les Baltes et Grecs d’avec les Germains et les Scandinaves.
Pourtant, avant de connaître son apogée, elles n’étaient sans doute que petites sentes misent bout à bout et c’est l’intérêt sans mesure des Grecs, avant eux des Egyptiens, puis des Romains qui développèrent cette route commerciale. Outre le maillage de ses voies devant traverser la Germanie antique de part en part, elle suivait sans doute principalement les grands fleuves de cette partie du continent : le Rhin, l’Elbe, la Vistule, le Danube et le bord des mers du Nord, Noire ou Méditerranée. Toutes ces voies fluviales et terrestres délimitèrent ainsi la Route de l’Ambre où se calqueraient bientôt celles des Limes Rhénanes2, frontières établies par les Romains pour se protéger des Germains…

… Enfin, elle finira par s'égarer elle-même dans l'Histoire malgré la poésie de son voyage semblable à la fameuse Route de la Soie. Dès lors il ne demeure que l'imagination pour s'en souvenir et suivre son tracé comme le fit peut-être l'énigmatique explorateur Pythéas3 voilà fort longtemps !

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Les Larmes de Freyja

La Mare Germanicum4 était très différente de sa sœur, la troublante, blanche et si calme Mer de Suévie5.
Ici, les vagues étaient plus tumultueuses comme si les filles de la Déesse Ran6 les agitaient sans cesse de remous dangereux et traitres. Mais sa fougue était à l’image de la liberté sauvage qui avait mu les peuples du Nord pour la traverser jusqu’en Terra Incognita…7

Lui n’avait pas cette volonté de conquêtes ni la mélancolie d’avoir quitté les terres de ses ancêtres.
Son arme était une curiosité insatiable, sa volonté de rencontrer ses Frères et Sœurs, son plaisir de les faire rêver par le prisme merveilleux de ses « Larmes de Freyja » comme il aimait à nommer son Glesum. La si ambiguë et envoutante Asyne8 Freyja, puissante Déesse de l’Amour et des Charmes, pleurait, les légendes le disaient, son époux disparu… On disait également dés lors que ses larmes en tombant au sol se transformaient ainsi en gemmes.
Ici les eaux salées les portaient et les charriaient alors sur la grève.
Son peuple le premier les récolta voilà fort longtemps.
Et c’était à son tour d’aller les partager dans les nouvelles terres du Sud, là où elles manquaient. Voilà déjà de nombreux temps que les Estes9, son Clan, parcouraient le monde pour fasciner les autres civilisations de ce miracle de la Nature ou des Dieux. Les Grecs en étaient friands, eux qui le nommaient Elektron. Après ce furent les femmes du Grand Empire qui ne s’en séparèrent plus, le Succin étant l’apparat le plus en vue pour leur beauté.
C’était une période faste pour le négoce…
Mais depuis peu les Hommes rêvaient d’un autre Or, celui du Pouvoir !

L’amulette qu’il tenait entre ses doigts l’avait comme transporté dans le monde de ses pensées.
Emprisonné dans la gangue cuivrée du pendentif qu’il faisait danser devant ses yeux, il était subjugué par l’insecte qui y était captif depuis le début des temps. Cette abeille avait été choisi entre-toutes par le Destin !
Innocente créature qui part l’art de la Nature était devenue un être mythique voyageant dans les ères et les mondes, traversant le temps et les mers jusqu’à être précieusement sertie dans ce pendentif. Elle était désormais parmi les Hommes, elle qui n’en avait peut-être pas connu de son vivant. Et c’était une Reine… bientôt offerte à une autre Reine, pensa t-il.

Une ombre se refléta soudain au travers du prisme… Aussitôt le Marchand de Glesum eut les larmes aux yeux ! C'était l’amour d’un père pour sa fille.
- Ambre ! Pourquoi cours-tu ainsi à en perdre le souffle ? Sourit-il.
Néanmoins son sourire se figea.
En effet la Dame ayant mandé cette pièce patientait déjà qu’il lui livre au coeur de sa Forêt inquiétante. C’était au plus loin d'une des sentes de la Route de l'Ambre habituellement empruntée… et c'était bien une Reine. Mais, le coeur serré, il douta de ses réelles attentes et il serra un peu plus fort qu'à l'accoutumée sa bien plus précieuse fille à la chevelure brune et aux yeux de glace…


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