Le Laboureur et l'Idole

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Le Laboureur et l'Idole

Un pauvre hère
N’ayant point de terre,
Et donc pas plus de destin,
Manda à un riche Terrien
Qu’il lui prête une parcelle
En lieu de corvées.
Ainsi fut conclu et fait,
L’entente étant belle,
L’un trouvant petit lopin,
L’autre bras pour le défrichage
De l’enchevêtré herbage ;

Déjà à la tâche tôt au matin
Voilà que le soc de sa charrue
Vint buter sur un roc charnu.
Inquiet, notre Laboureur le déterrant
Bien vite se console
En faisant même son idole
N’en étant que l’unique représentant :
D’ailleurs l’humus n’en démentit point l’augure
Offrant blés bien mûrs,
Chaque jour notre Paysan
Officiant et remerciant
Sa trouvaille opportune
Lui donnant si bonne Fortune.
Tout au sacre de sa pierre
Vint pourtant le temps de la jachère
Et de s’acquitter auprès du propriétaire
De son prêt, par nature éphémère.
« Voilà le pré rendu
Comme convenu ;
Et par ses récoltes bien vendues
De vos attenantes friches
Je suis assez riche
Pour les racheter même à un prix indu ! »
Voilà pensée belle l’affaire
Mais rien à faire
Les terrains ne rapportant sous
Jonchés d’innombrables… Cailloux !
Fi de son icône admirée
L’ingrat alors parmi les autres de la jeter !

Beaucoup ainsi de leurs idoles
Les aimer
Mais, si c’est en vain, de les brûler
Comme de vulgaires babioles…

Auteur : Val


  • Jachère : Terre cultivée qu’on laisse alors au repos pour qu’elle se reconstitue.
  • Lopin : Petite parcelle de terre.
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(tiré de l'ouvrage édité : Histoires de Fables)

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